MEMBRES

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MEMBRES

La plupart des animaux dotés d’une symétrie bilatérale possèdent des expansions paires du corps, placées latéralement de chaque côté de la région postcéphalique. Ces expansions, de nombre et de structure très variables, sont fonctionnellement associées à la locomotion. Dans son acception la plus large, le terme de membre pourrait correspondre à toutes ces structures. Ainsi délimité, le sujet comprendrait par exemple l’étude des parapodes des Annélides et des appendices thoraciques des Arthropodes. On le restreindra ici à l’étude des deux paires d’appendices issus de la région troncale des Vertébrés. La paire antérieure est située en arrière de la tête, la paire postérieure au niveau du cloaque. Ces membres sont mobiles, soutenus par des pièces squelettiques articulées, et ils contiennent des muscles striés, des nerfs et des vaisseaux sanguins. Leur étude ne peut être dissociée de celle des ceintures qui les relient au tronc. Le membre antérieur est articulé sur une ceinture scapulaire ou pectorale , le membre postérieur sur une ceinture pelvienne. Les ceintures comportent des éléments osseux, musculaires, etc., intimement associés aux membres d’un point de vue à la fois embryologique et fonctionnel.

L’étude des membres se subdivise tout naturellement en deux parties. On examinera d’abord brièvement leur organisation chez les Vertébrés «primitifs» aquatiques (stade ichthyen) et les problèmes que posent leur origine; chez les Poissons, les membres du pterygium constituent les nageoires paires. On abordera ensuite l’étude du chiridium , ou membre marcheur des Vertébrés terrestres (Tétrapodes), de son origine et de ses multiples transformations.

L’étude des membres des Vertébrés présente un grand intérêt d’un point de vue évolutif. Elle apporte, en effet, une multitude de faits précis qui illustrent très bien de grands problèmes biologiques tels que l’adaptation organique, l’évolution parallèle ou convergente des structures, les concepts d’analogie et d’homologie. Les membres constituent, d’autre part, un matériel de choix pour les études d’anatomie fonctionnelle (biocinématique, biomécanique, résistance aux contraintes), comme pour celles de biologie fondamentale (embryologie causale, régénération).

Les membres humains sont restés anatomiquement peu spécialisés. Pourtant l’acquisition de la verticalité du corps leur a conféré des fonctions hautement différenciées: la gracilité du membre supérieur reflète sa grande mobilité, assurant la précision et la délicatesse du geste et du toucher, tandis que la robustesse du membre inférieur est liée à son rôle prééminent dans la locomotion. Musculature et innervation complexes, vascularisation délicate, exposition aux traumatismes sont la rançon de ces adaptations.

1. Anatomie comparée

Le pterygium

Rappel anatomique

La structure du pterygium ichthyen est extrêmement variable. On trouvera aux articles ACANTHODIENS, ACTINOPTÉRYGIENS, CHONDRICHTHYENS, CROSSOPTÉRYGIENS, DIPNEUSTES et PLACODERMES des détails sur l’anatomie des nageoires paires de ces différents groupes. Il suffira donc de rappeler quelques notions générales sur la structure des nageoires paires et des ceintures.

Chez les Sélaciens (requins), qui sont des Chondrichthyens, le squelette des membres et des ceintures n’est formé que de pièces cartilagineuses qui ne s’ossifient jamais. Les trois à cinq pièces basales de la nageoire s’articulent sur une ceinture pectorale (ou scapulaire) en forme de «U» à branches latéro-dorsales (région scapulaire); le segment transversal de l’U est antéro-ventral: c’est la région coracoïdienne. Tous les éléments cartilagineux de la ceinture et du membre appartiennent à l’endosquelette, édifié en profondeur. Chez les Ostéichthyens (Poissons osseux), au contraire, ces éléments cartilagineux s’ossifient plus ou moins complètement au cours de l’ontogenèse. À la ceinture pectorale se forment typiquement deux paires d’os endosquelettiques: scapula dorsale, coracoïde ventral.

La ceinture pectorale est complétée (fig. 1) chez les Ostéichthyens par des éléments supplémentaires, plus externes, qui sont des os dermiques, faisant partie de l’exosquelette: clavicule, cleithrum, postcleithrum, supracleithrum et post-temporal. Les plus importants (cleithrum et clavicule) recouvrent latéralement les os endosquelettiques (scapula et coracoïde).

La ceinture pelvienne, exclusivement endosquelettique, s’ossifie en une seule pièce osseuse.

Dans les nageoires existent des éléments proximaux, articulés aux ceintures, et des éléments distaux, les «rayons» osseux, segmentés ou non, souples ou épineux. Formés par le squelette dermique, ils correspondraient à des écailles modifiées, d’où leur nom de lépidotriches. On appelle souvent «rayons cornés» ou cératotriches des formations non ossifiées qui jouent dans la nageoire des Chondrichthyens le rôle des lépidotriches des Ostéichthyens.

Origine des nageoires paires

Deux conceptions s’opposent: celle de l’origine branchiale des nageoires paires et celle de leur formation à partir d’un repli latéral du corps. Selon la première hypothèse, la plus ancienne (C. Gegenbauer, 1865), la nageoire est originellement sténobasale (à base étroite). Essentiellement fondée sur l’étude des nageoires des Chondrichthyens adultes actuels, cette théorie postule que l’archipterygium bisérié , tel qu’on peut l’observer chez le Dipneuste Neoceratodus par exemple, constituerait le type primitif de membre pair, dont pourraient dériver tous les autres. Ayant d’autre part une origine branchiale, ceintures et nageoires paires représenteraient des structures primitivement monosegmentaires (monométamériques). Cet énorme édifice théorique a permis de poser les problèmes, mais il soulève de telles difficultés anatomiques et même paléontologiques (cf. infra ) que l’on peut la considérer comme entièrement abandonnée.

La seconde hypothèse, due aux travaux convergents de F. M. Balfour, S. T. S. Mivart et J. K. Thacher (1878-1881), postule que les membres pairs sont issus de la différenciation de certaines régions d’un repli natatoire pair primitivement continu, qui courait en position latéro-ventrale sur les flancs des Vertébrés très primitifs. Chaque métamère envoyait dans ce repli des nerfs, des muscles et des vaisseaux: cette structure était donc polymétamérique. Au cours de l’évolution, la partie moyenne du repli disparut. La partie antérieure fournit la ceinture et la nageoire pectorale, la partie postérieure la ceinture et la nageoire pelvienne. Cette conception rend compte facilement des homologies sérielles existant entre membres antérieurs et postérieurs.

L’identité fondamentale, entre nageoires paires et impaires (issues d’un repli médian), dont la conception de Gegenbauer ne tient pas compte, est ainsi admise. La théorie du repli natatoire suggère que les nageoires primitives avaient une base large, nageoire eurybasale , et une structure métamérique régulière. Cette disposition aurait été modifiée de diverses façons au cours de l’évolution ultérieure, notamment par des phénomènes variés de concentration qui aboutiraient à l’apparition des nageoires sténobasales.

La critique de ces conceptions se fonde sur des données embryologiques et paléontologiques. Dans le domaine embryologique, les relations topographiques de la cavité cœlomique avec les arcs branchiaux d’une part et avec les ceintures des membres pairs d’autre part sont fondamentalement différentes. En effet, les arcs branchiaux, développés dans la paroi du pharynx, se disposent mésialement par rapport au cœlome, aux vaisseaux et aux nerfs. Au contraire, les ceintures paires se logent dans la paroi musculaire du tronc, extérieurement par rapport au cœlome. Ces considérations, développées par E. S. Goodrich, écartent définitivement la conception de Gegenbauer.

Au contraire, l’embryologie apporte des arguments solides à la théorie du repli natatoire latéral. L’étude du développement des Chondrichthyens et de certains Ostéichthyens actuels met souvent en évidence une origine segmentaire très nette des constituants musculaires et nerveux des nageoires paires, sinon des éléments squelettiques; ainsi se trouve écartée l’idée de l’origine monométamérique des nageoires paires, que postulait la conception de Gegenbauer. Les nageoires à base étroite (sténobasales), tel l’archipterygium , dérivent embryologiquement d’une ébauche eurybasale à métamérie très nette par suite du phénomène très général de concentration qui, à partir d’une structure métamérique régulière, conduit à la formation d’un organe plus massif où les segments originaux apparaissent «télescopés». L’embryologie met enfin en évidence la présence d’un champ morphogénétique continu (B. I. Balinsky) en position ventro-latérale sur la région troncale de tous les Vertébrés. Au cours de l’embryogenèse normale, les potentialités morphogènes de ce champ ne sont jamais complètement exploitées, ce qui pose le problème du déterminisme de la localisation des régions du champ qui manifestent un maximum d’activité, aboutissant à la différenciation des bourgeons des membres seulement en deux points (antérieur et postérieur).

Les données paléontologiques montrent que l’archipterygium , considéré par Gegenbauer comme la forme primordiale du membre pair, n’est connu qu’au Carbonifère chez deux Chondrichthyens en dehors des Dipneustes. Ce n’est ni la nageoire la plus ancienne, ni la plus répandue chez les formes fossiles. En revanche, la nageoire de Cladoselache (Dévonien supérieur), eurybasale, fournit un argument favorable à l’idée du repli natatoire initial. On peut en rapprocher la présence des épines, écailles spécialisées, membranes, etc., observées en position ventro-latérale chez divers Agnathes anciens (Ostracodermes, Anaspides) et chez les Acanthodiens (fig. 2).

L’ensemble de ces observations paléontologiques demeure toutefois assez maigre. Le manque de documents pourrait s’expliquer dans la mesure où une forte différenciation de la portion moyenne du repli latéral (entre pectorales et pelviennes, près du centre de gravité) aurait des conséquences hydrodynamiques défavorables et aurait été «éliminée» assez rapidement au cours du processus évolutif. Les fossiles siluro-dévoniens eux-mêmes seraient donc déjà trop tardifs et trop spécialisés pour présenter encore un repli natatoire continu.

Variété des types de nageoires paires

Les principaux groupes de Poissons tirent leur nom de la structure de leurs nageoires paires (-ptérygiens). Celles-ci ont, en effet, des structures variées d’une grande valeur systématique, mais les relations phylétiques entre les divers types sont mal comprises.

Contrairement aux Agnathes actuels ou Cyclostomes (lamproies et myxines), dépourvus de membres pairs, certains Agnathes cuirassés anciens (Ostéostracés) possédaient des nageoires paires; les Agnathes actuels seraient donc dégénérés de ce point de vue et n’illustrent pas, comme on le croyait, un stade primitif de Vertébrés encore dépourvus de membres pairs.

Chez tous les poissons Gnathostomes, les nageoires paires existent, au moins primitivement. Dans la plupart des groupes ichthyens, ces nageoires sont polybasales , c’est-à-dire articulées sur la ceinture par plusieurs éléments squelettiques. Il y a en général passage d’un état primitif à nageoire eurybasale à un état évolué où la nageoire devient sténobasale, c’est-à-dire à base étroite. La structure des nageoires paires dans les différents groupes de Poissons manifeste une très grande diversité adaptative [cf. POISSONS].

Aux nageoires polybasales de la majorité des Poissons s’opposent les nageoires monobasales des Crossoptérygiens et Dipneustes (parfois réunis ensemble, pour cette raison, en un groupe unique des Sarcoptérygiens, K. S. Thomson, 1968). Dans les deux cas, il n’y a qu’un seul élément endosquelettique articulé à la ceinture, mais l’archipterygium des Dipneustes a une structure bisériée tandis que le crossopterygium a une structure dichotomique et les relations entre les deux types sont mal connues.

Au total, le pterygium ichthyen est donc très hétérogène et l’on reste encore assez ignorant des homologies essentielles entre les divers éléments constitutifs des membres pairs des diverses classes de poissons.

Le membre pair des Tétrapodes ou chiridium

Contrairement au pterygium ichthyen hétérogène, le chiridium (ou cheiropterygium ) des Tétrapodes constitue un ensemble homogène.

Pourtant ce matériel de base commun a permis la réalisation de structures anatomiques très différentes dans les diverses lignées. Le cas le plus frappant à cet égard est peut-être celui des ailes des Vertébrés (organes analogues), réalisées trois fois indépendamment au cours de l’évolution, selon des modalités chaque fois très différentes, à partir du même matériel anatomique homologue (le membre chiridien antérieur, en l’occurrence). On le voit, la notion d’homologie est essentiellement structurale et sous-tend une communauté d’origine génétique, embryologique et phylogénique; celle d’analogie est essentiellement fonctionnelle : des organes analogues peuvent être réalisés à partir d’éléments homologues ou non.

L’unité du plan anatomique fondamental du membre chiridien suggère que ce membre marcheur a une origine monophylétique. À cette conception surtout appuyée sur le «bon sens», on peut pourtant opposer des arguments anatomiques et paléontologiques qui suggèrent une origine au moins diphylétique du membre chiridien (E. Jarvik). La controverse qui s’est ainsi instaurée entre tenants de ces deux opinions est sans nul doute l’une des plus intéressantes de ces dernières années en anatomie comparée; elle ne paraît pas près de s’éteindre.

Structure générale du chiridium

Anatomie

Pour décrire le membre pair d’une façon assez générale, il est pratique d’utiliser le membre d’un Tétrapode primitif tel qu’un Amphibien Stégocéphale. La figure 3 (et son tableau) résume la terminologie à cet égard. On constate qu’il existe une homologie complète mais complexe (controverse des «tropistes» et des «antitropistes», résumée dans L. Vialleton, 1924, et J. Lessertisseur et R. Saban, 1967) entre membres antérieur et postérieur qui sont bâtis sur le même plan. Cette homologie est du type sériel (structures qui se répètent de l’avant à l’arrière du corps). Elle est beaucoup moins nette pour les ceintures que pour les membres.

Le premier segment, articulé sur la ceinture, est le stylopode qui ne contient qu’un seul os; le deuxième segment est le zeugopode (ou zygopode) comportant deux os. Le dernier segment, ou autopode , est le plus complexe. Il comprend lui-même trois régions. La région proximale de l’autopode constitue le basipode. Il est formé de petits os courts, disposés en trois rangées: la première rangée, proximale, comporte typiquement trois os, la deuxième rangée (éléments centraux) comprendrait typiquement quatre os, la région distale du basipode est formée de cinq éléments.

Au basipode fait suite le métapode : formé de cinq os allongés. Enfin l’acropode , qui constitue le segment le plus distal de l’autopode, est formé par les phalanges.

Orientation

Pour définir l’orientation des éléments du membre, on le représente conventionnellement en position étendue à plat (fig. 3), perpendiculairement à l’axe sagittal du corps. Dans ces conditions, on définit par rapport à l’axe du membre une région préaxiale (craniale) et une région postaxiale (caudale). Ainsi, le radius et le tibia seront préaxiaux, et l’ulna et la fibula postaxiaux. Sauf cas particulier, les membres n’ont pas réellement la position en extension latérale. Chez les Tétrapodes primitifs, le stylopode est effectivement étendu dans un plan horizontal et perpendiculairement au corps, mais le zeugopode est vertical et l’autopode, appliqué au sol, est dirigé vers l’avant. Les trois segments sont donc disposés à 900 les uns des autres dans au moins deux plans perpendiculaires (fig. 3).

Cette disposition primitive du membre est dite transversale. Les fonctions de soutien du corps et de propulsion ne sont, à ce stade, que fort imparfaitement réalisés, et pourtant ce type persiste, de façon plus ou moins modifiée comme on le verra, chez de nombreux Tétrapodes actuels.

Le fonctionnement du membre implique des mouvements de ses différents segments les uns par rapport aux autres et par rapport au tronc, d’où la grande mobilité des articulations poignet (cheville), coude (genou), épaule (hanche), en contraste avec les articulations très peu mobiles présentes dans le pterygium. Des mouvements du membre par rapport à l’axe du corps correspondent respectivement à l’adduction quand le membre se rapproche de cet axe et à l’abduction dans le cas contraire. Il y a extension quand des muscles ouvrent un angle entre deux segments, flexion dans le cas contraire. Un élévateur relève un segment, un dépresseur l’abaisse, etc.

Évolution générale du membre marcheur

À partir de la disposition transversale, des modifications sont intervenues au niveau des trois segments pendant l’évolution. Les os des divers segments (sauf le basipode) sont devenus de plus en plus allongés. Cette évolution est particulièrement nette au niveau du stylopode.

Au zeugopode, l’élément préaxial supporte en général la majeure partie du poids du corps et est nettement plus court et plus massif que l’élément postaxial, qui peut régresser plus ou moins. C’est dans l’autopode qu’interviennent les modifications les plus importantes. À partir des Reptiles, un os surnuméraire, le pisiforme, s’ajoute aux carpiens proximaux; c’est une ossification de tendon. Des fusions interviennent entre tarsiens, ainsi que des disparitions. Le tarse des Reptiles ne comporte plus que deux os proximaux (fig. 4). Un élément interne (ou préaxial), l’astragale, correspond à la fusion du tibial avec l’intermédiaire et un central. L’autre os, externe (ou postaxial) est le calcaneum (os du talon); il représente le fibulaire.

Chez les Mammifères, il différencie une extension postérieure (tuber) où s’insèrent les extenseurs du pied. Le nombre des centraux diminue considérablement; il n’en reste qu’un, en général, chez les Mammifères. L’articulation zeugo-autopodienne est intratarsienne chez les Tétrapodes primitifs. Elle le demeure plus ou moins chez les Reptiles et remplace complètement, chez les Oiseaux, l’articulation située à la limite des deux segments. Chez les Mammifères, au contraire, l’articulation intratarsienne régresse ou disparaît. Le tarse s’incorpore en entier au pied et l’articulation zeugo-autopodienne demeure à la limite entre les deux segments. Les éléments du carpe et du tarse se répartissent chez eux en deux rangées superposées; ces os ont reçu des noms particuliers chez les Mammifères et chez l’homme.

Des modifications importantes interviennent au cours de l’histoire des Tétrapodes dans l’orientation des divers segments du membre, par rapport au tronc et relativement les uns aux autres. On assiste dans plusieurs lignées à la réalisation plus ou moins complète d’un membre parasagittal , mieux adapté à ses fonctions que le membre transversal primitif. Dans ce cas, le stylopode subit une réorientation; il pivote autour de son extrémité proximale de manière à se rapprocher de l’axe du corps, de telle sorte que le stylopode détermine désormais avec le zeugopode un plan parallèle au plan sagittal (disposition parasagittale) (fig. 3). Comme l’autopode est tourné vers l’avant aussi bien au membre antérieur qu’au membre postérieur, les conséquences du pivotement en sens contraire du stylopode des membres antérieur et postérieur se font sentir différemment au niveau des zeugopodes. Au membre postérieur, où le stylopode a pivoté vers l’avant (le genou est en effet dirigé vers l’avant), la partie préaxiale du zeugopode (tibia) demeure interne. Au contraire, au membre antérieur où le stylopode a pivoté vers l’arrière (le coude est dirigé vers l’arrière), en subissant d’ailleurs une torsion sur lui-même, la partie proximale du radius (partie préaxiale du zeugopode) devient plus ou moins externe. Dans ce cas, le maintien de la direction de l’autopode vers l’avant, la paume en bas, implique un croisement des os du zeugopode, ce qui constitue la pronation. Cette disposition est caractéristique des Mammifères, sauf deux exceptions (Monotrèmes). Quand le décroisement des deux os de l’avant-bras est possible, la paume peut se diriger vers le haut: c’est la supination , qu’on observe chez les Primates.

La disposition parasagittale est mécaniquement plus favorable que la disposition transversale, car cette dernière met en œuvre pour maintenir le stylopode en position horizontale des masses musculaires considérables qui ne sont pas disponibles pour l’effort locomoteur proprement dit. Au contraire, le membre parasagittal réalise une structure apte à supporter d’emblée le poids du corps dans de bonnes conditions mécaniques: tout l’effort musculaire peut être utilisé pour mobiliser les leviers osseux les uns par rapport aux autres dans un plan parasagittal optimal pour la progression. Le «prix à payer» pour cette amélioration est une plus grande complexité du contrôle nerveux de l’attitude. En effet, chez les formes à membres transversaux, le polygone de sustentation est large et l’équilibre stable. Il est étroit au contraire chez les formes à membres parasagittaux, l’équilibre est moins stable et le contrôle de l’attitude exige une bonne coordination neuromotrice.

Le membre parasagittal a été réalisé indépendamment chez les Mammifères, chez les Dinosaures (bipèdes et quadrupèdes) ainsi que chez les Oiseaux (bipèdes). Dans tous les cas où la disposition parasagittale est réalisée, la réorientation du fémur par rapport à la cavité acétabulaire du bassin (cf. paragraphe suivant) a déterminé la différenciation d’une tête articulaire formant un angle assez important avec l’axe de la diaphyse, et portée par un «col» plus ou moins différencié (fig. 3). Une évolution comparable n’a pas eu lieu pour la tête proximale de l’humérus car, dans ce cas, c’est au contraire la position de la cavité articulaire sur la ceinture scapulaire qui a changé.

Structure et évolution des ceintures chez les Tétrapodes

Chez les Tétrapodes primitifs (Stégocéphales), la ceinture pectorale, ou la scapulaire, est tout à fait comparable à celle des Ostéichthyens. Elle perd toutefois ses connexions avec les os du dermocrâne. Les os dermiques principaux de la ceinture (clavicule, cleithrum) demeurent présents et bien développés. Ventralement, apparaît une interclavicule impaire, d’origine dermique, qui réunit les parties droite et gauche de la ceinture. Les os endosquelettiques (coracoïde et scapula) demeurent et prennent même une plus grande importance. L’insertion de la tête proximale de l’humérus s’effectue dans la cavité glénoïde, située à la limite de ces deux os.

La ceinture pelvienne primitive est formée de trois paires d’os endosquelettiques (enchondraux): les ilions, dorsaux; les ischions, postéro-ventraux; les pubis, antéro-ventraux. Ces os forment une structure massive. La cavité acétabulaire (où se loge la tête proximale du fémur) est située latéralement, à la limite de ces trois os. Dorsalement, le bassin s’unit solidement à une, puis plusieurs côtes sacrées, courtes et épaisses, qui se soudent entre elles et avec les ilions (sacrum).

Au cours de l’évolution, la ceinture pectorale subit des modifications importantes. Il y a réduction ou disparition des éléments exosquelettiques (cleithrum). Chez les Mammifères, il ne subsiste que la clavicule (lorsqu’elle ne disparaît pas comme dans les formes strictement parasagittales, coureuses, incapables de mouvements d’adduction). Chez les Reptiles, au contraire, la clavicule persiste en général, ainsi que l’interclavicule, avec des dispositions variables. La ceinture scapulaire s’associe intimement au squelette axial (sternum) et constitue un ensemble solide, le zonothorax, bien développé aussi chez les Oiseaux.

La partie ventrale des ceintures demeure très développée chez les formes à membres transversaux pour permettre l’insertion de la puissante musculature nécessaire au maintien du stylopode en position horizontale. Mais chez les formes à membres parasagittaux, au contraire, cette musculature régresse ou se déplace et la portion ventrale des ceintures se réduit ou disparaît. Ainsi, certains Reptiles mammaliens (Synapsides) ont un coracoïde dédoublé, de façon caractéristique, en deux ossifications antéro-ventrales puissamment développées chez les formes primitives. Chez les Mammifères placentaires, qui représentent le terme évolué de la lignée, les coracoïdes se réduisent à un nodule osseux et à une simple apophyse de la scapula. Celle-ci possède une région néoformée, la fosse susépineuse, sans équivalent chez les Reptiles. Ainsi, la portion ventrale de la ceinture régresse mais la portion dorsale se développe.

Chez les Reptiles actuels, dont le membre est transversal, le coracoïde demeure bien développé, ainsi d’ailleurs que chez les Monotrèmes qui restent très primitifs par la structure de leur ceinture scapulaire. Chez les Oiseaux, le coracoïde est très développé, ce qui est une spécialisation associée aux nécessités mécaniques du vol (cf. infra ).

À la ceinture pelvienne, le sacrum incorpore un nombre variable de vertèbres: une chez les Amphibiens actuels mais plus de vingt chez certains Oiseaux. Les ischions et pubis droits et gauches sont généralement soudés sur l’axe sagittal ventral (symphyses pubiennes et ischiatiques). Chez beaucoup de Reptiles, le bassin est plus gracile que chez les Amphibiens primitifs, où il était massif. L ’allongement des trois paires d’os qui le constituent et la présence d’une fenêtre entre l’ischion et le pubis produisent un bassin «triradié», présent, par exemple, chez les Dinosaures sauripelviens (ou Saurischiens). Au contraire, les Dinosaures avipelviens (ou Ornithichiens) ont, leur nom l’indique, un «bassin d’oiseau». Comme chez ceux-ci, le pubis est déjeté vers l’arrière le long de l’ischion (on l’appelle parfois un «postpubis»). Chez les Oiseaux, de plus, les symphyses pubiennes et ischiatiques s’ouvrent, tandis que les ilions forment dorsalement avec de nombreuses vertèbres thoraciques, lombaires et caudales soudées un solide «synsacrum» capable de supporter les chocs de l’atterrissage. Chez les Reptiles, le niveau d’attache des ilions sur la colonne vertébrale est situé en arrière du niveau de l’acétabulum (attache postacétabulaire de l’ilion). Chez les Mammifères, au contraire, l’ilion est très allongé vers l’avant et son attache sur la colonne vertébrale est préacétabulaire (fig. 5).

Les adaptations du chiridium

Plutôt que de décrire systématiquement les différents types de membres réalisés chez les Tétrapodes, on passera en revue quelques exemples de convergence adaptative et d’analogies fonctionnelles sans chercher à être complet, ni d’ailleurs à dissimuler le caractère très approximatif de certains rapprochements.

Persistance des types primitifs et peu spécialisés

Il existe encore de nombreux Tétrapodes qui n’ont pas subi de modifications vraiment radicales des membres par rapport au «type primitif»: les modifications consistent surtout en un allégement des structures et des simplifications plus ou moins poussées (R. W. Miner, 1925).

Chez les Urodèles (tritons et salamandres), les membres conservent une orientation transversale très nette; on observe, au cours de la marche, chez ces animaux des flexions latérales du tronc qui sont peut-être une «réminiscence» des ondulations latérales de la natation primitive.

Les tortues (Chéloniens) ont conservé des membres transversaux mais qui ont subi des transformations en rapport avec la différenciation de la carapace et du plastron ventral. On peut admettre que beaucoup de lézards (Sauriens) ont plus ou moins conservé une disposition transversale du membre, bien qu’en fait les modalités de la locomotion soient très variées dans ce vaste groupe et associent souvent l’usage des membres à une reptation ondulante (type semi-rampant de Vialleton, 1924).

Les crocodiles sont eux aussi considérés comme des Reptiles à membres transversaux, bien qu’ils soient parfaitement capables de soulever leur corps sur leurs membres redressés en position presque parasagittale (Colbert et coll., 1946). Dans cette posture, leur démarche, très efficace, leur permet une progression assez rapide; elle évoque probablement celle des Dinosaures.

Les membres antérieurs transversaux des Monotrèmes, comme leur ceinture scapulaire, ont des caractères pour ainsi dire inframammaliens. Toutefois, comme ces formes ont un mode de vie fouisseur, il est possible que la structure de leur membre antérieur transversal ne soit qu’une adaptation secondaire à ce mode de vie.

On constate ainsi qu’aucune forme actuelle n’a intégralement conservé la disposition primitive du membre transversal, bien que la persistance d’une région ventrale bien développée dans les ceintures (avec la musculature associée) indique cependant que la mécanique de la locomotion a dû rester analogue à celle qui caractérisait le type primitif.

À un niveau d’organisation différent, le type parasagittal primitif peut être reconnu chez certains Marsupiaux quadrupèdes comme la sarigue, ainsi que chez les Insectivores et certains Primates. Ce membre mammalien «généralisé» est aussi très fréquent chez les Mammifères fossiles de l’Éocène. Il se caractérise par une plantigradie plus ou moins complète, ce qui signifie que presque tout l’autopode, assez court, est posé sur le sol. Au zeugopode, l’ulna et la fibula persistent en entier, ainsi que la clavicule à la ceinture scapulaire.

Adaptation à la course

La condition préalable à l’adaptation à la course est l’acquisition de membres parasagittaux, qui a été réalisée indépendamment par les Dinosaures, les Oiseaux et les Mammifères.

Chez les Mammifères, l’adaptation à la course est particulièrement intéressante à suivre dans le grand groupe des Ongulés. C’est toujours l’autopode qui subit l’essentiel des transformations: comparativement au membre plantigrade à structure «généralisée», l’autopode s’allonge (fig. 6) et ses divers segments se redressent.

Ce redressement est fréquemment associé à une réduction du nombre des rayons. Si le métapode se redresse, le membre ne repose plus au sol que par l’acropode (phalanges), c’est la digitigradie réalisée par de nombreux carnivores (chien) ainsi que par l’homme, lors de la course; l’état digitigrade permanent est très souvent associé à un allongement des métapodes. Le stade ultime du redressement de l’autopode, réalisé par redressement de l’acropode lui-même, peut être plus ou moins complet. Le contact avec le sol est assuré selon les cas, soit par la dernière phalange disposée à plat, soit seulement par l’extrémité de cette phalange terminale épaissie et garnie d’un sabot. Cette onguligradie est réalisée par les chevaux, par exemple, mais elle a été atteinte dans différentes lignées de Mammifères selon des modalités assez variées. Elle s’associe souvent à une réduction du nombre des doigts et à des soudures osseuses.

Chez les Ongulés évolués, les os du carpe et du tarse ne sont plus sériés (taxéopodie ) mais au contraire alternés (fig. 4): chaque élément d’une rangée proximale a une facette d’articulation avec deux éléments de la rangée distale (diplarthrie ). Les conséquences de cette transformation sont variées. Dans une première série d’Ongulés, les Artiodactyles, l’axe du membre passe entre les doigts trois et quatre (paraxonie ), aussi les doigts latéraux un, deux et cinq tendent-ils à se réduire. Les Suidés (porcs) ont encore quatre doigts (rayons deux, trois, quatre et cinq) bien développés, les doigts latéraux étant toutefois un peu plus petits. Le doigt un est perdu, sans contact avec le sol. Les Camélidés et les Bovidés ne conservent plus que les doigts trois et quatre, dont les métapodes se soudent entre eux partiellement (chameau) ou complètement (bœuf) pour constituer un os canon puissant et allongé. Les doigts deux et cinq peuvent disparaître complètement (lamas): la patte des Artiodactyles est paridigitée.

Dans une autre série d’Ongulés, l’axe du membre passe par le doigt trois qui prend la prépondérance (mésaxonie ). Les autres doigts ont une importance moindre, mais persistent (tapir, rhinocéros) ou finissent par disparaître (lignée du cheval). Le nombre de doigts toujours impair chez les Mésaxoniens (sauf chez le tapir qui a quatre doigts à la main) justifie le nom du groupe: Imparidigités ou Périssodactyles.

L’adaptation à la course n’impose pas qu’à l’autopode des transformations considérables aboutissant, comme on vient de le voir, à l’onguligradie mono- ou bidactyle. Les autres segments du membre sont modifiés aussi. Le stylopode devient nettement plus court que le zeugopode. L’ulna ne persiste souvent que par sa région proximale (olécrane) où s’insèrent les muscles extenseurs de l’avant-bras (triceps). Chez de nombreux digitigrades, le radius entier passe devant l’ulna de telle sorte que le croisement typique de la pronation disparaît secondairement. Seuls les mouvements parasagittaux restent possibles; les articulations prennent alors un aspect en «poulie» caractéristique, spécialement net dans l’astragale des Artiodactyles, qui possède des articulations proximales et distales. Les divers segments du membre peuvent faire entre eux des angles assez fermés au cours du fonctionnement et ils constituent d’efficaces bras de levier. Des sabots coiffent la phalange terminale de l’acropode. Le rôle propulsif essentiel échoit au membre postérieur, le membre antérieur a surtout une fonction statique et c’est peut-être pourquoi, chez un animal donné, le membre postérieur est en général morphologiquement plus évolué que le membre antérieur.

Adaptation à la gravigradie

Pour un Trétrapode terrestre, l’acquisition d’une grande taille corporelle n’est possible que dans des conditions biomécaniques précises qui entraînent une étonnante similitude dans la structure des membres: ils réalisent un type adaptatif «gravigrade» ou «graviporteur». Dans le cas d’un membre transversal de très grande taille, les efforts de cisaillement appliqués au stylopode deviennent tels qu’ils limitent très rapidement toute augmentation de taille. Le membre gravigrade sera donc toujours parasagittal; son aspect est celui d’une colonne verticale; tous les segments sont disposés à la suite les uns des autres sans pouvoir former d’angles aigus entre eux. À l’avant-bras, l’ulna croise le radius en position de pronation permanente. Loin de régresser, les éléments post-axiaux (ulna et fibula) conservent un très grand développement: l’ulna peut même devenir plus puissant que le radius. L’autopode n’est pas plantigrade; les métapodes sont en général assez courts, redressés et le poids du corps est très largement supporté par un coussinet plantaire de tissu élastique. Dans le bassin, l’ilion se redresse presque verticalement, s’évase et se dispose dans un plan sensiblement transversal pour offrir un large appui aux sangles musculaires qui maintiennent les viscères.

Fonctionnellement, le membre antérieur conserve surtout un rôle statique, tandis que l’effort propulsif principal est dû au membre postérieur. Les proportions du membre gravigrade, très caractéristiques, sont inverses de celles du membre coureur (fig. 6) pour des raisons mécaniques: chez les animaux coureurs, l’enjambée est longue et très rapide avec des valeurs élevées de variation de vitesse linéaire des segments. Ces accélérations sont supportables car l’os est loin de ses limites de résistance mécanique. Chez les graviporteurs, au contraire, les os travaillent sous contraintes élevées, la démarche à l’amble est associée à de faibles accélérations linéaires n’imposant que de faibles contraintes.

Toutes les dispositions du type gravigrade ont été réalisées dans de nombreuses lignées indépendantes. On les remarque chez les Dinosaures sauropodes (Diplodocus ) et, dans une moindre mesure, chez les Ornithichiens quadrupèdes (Stégosaures et Cératopsiens). On les retrouve chez les Mammifères. Parmi les Paenongulés, elles s’observent chez les Proboscidiens (éléphants, mastodons, et formes fossiles voisines) et les grands Dinocérates de l’Éocène. Parmi les Périssodactyles, les rhinocéros et formes voisines fossiles (Brontotherium , Baluchitherium ) possédaient les mêmes spécialisations. On les retrouve enfin chez les Artiodactyles: hippopotames et formes apparentées fossiles (Entelodon , etc.).

On doit noter (P. M. Galton, 1970) que les termes de «graviporteurs» ou de «coureurs» ne se rapportent pas nécessairement au poids et à la taille, mais plutôt aux proportions inverses des segments des membres. Il y a des Mammifères graviporteurs assez petits (Pyrotherium , Palaeomastodon ) et d’énormes Reptiles coureurs comme les Théropodes: Tyrannosaurus , qui sont d’ailleurs bipèdes (cf. paragraphe suivant). On touche là au caractère forcément artificiel de rapprochements fondés sur des analogies d’adaptation.

Adaptation à la bipédie

La bipédie, qu’il ne faut pas confondre avec la verticalité telle qu’elle est réalisée chez l’homme, apparaît indépendamment dans de très nombreuses lignées, chez des Tétrapodes de taille variée. Chez les Reptiles, une démarche bipède était réalisée dès le Trias par les Thécodontes. Dans ce cas, les membres antérieurs étaient petits; les membres postérieurs plus allongés et parasagittaux. Tout le corps était en équilibre sur le pelvis, son poids étant contrebalancé par celui de la queue très développée. L’axe du corps conservait une orientation sensiblement horizontale plutôt que redressée. Le membre postérieur, qui supportait tout le poids du corps, était adapté à une course rapide; l’autopode était allongé, la démarche digitigrade et l’articulation avec le zeugopode était intratarsienne, les tarsiens proximaux étant solidement fixés, mais non soudés à l’extrémité distale du zeugopode. Le bassin était du type triradié.

À partir de ce type de base dérivent les diverses lignées de Dinosaures bipèdes du Jurassique et du Crétacé. Les Théropodes carnivores comprenaient des formes sveltes (Cœlurosauriens) et de grands carnivores plus lourdement bâtis (Carnosauriens). Une autre lignée de Dinosaures bipèdes, les Ornithopodes, était représentée par de nombreux herbivores, parfois de grande taille (Iguanodons , par exemple). Chez ceux-ci, le bassin n’était plus du type triradié comme chez les Thécodontes – type sauripelvien – mais au contraire du type avipelvien, avec un pubis déjeté vers l’arrière comme chez les Oiseaux.

Parmi les Sauriens, certains lézards actuels pratiquent une course bipède très active (Grammatophora , Chlamydosaurus , Basilic ) mais ces possibilités demeurent exceptionnelles.

Les Oiseaux, outre leur adaptation au vol, ont réalisé une station bipède parfaite, peut-être associée à la migration du pubis vers l’arrière (Galton, 1970). Le membre postérieur des Oiseaux est très particulier et ressemble quelque peu à celui de certains Dinosaures. Le fémur a une tête articulaire franchement latérale, liée à son orientation parasagittale. L’articulation zeugo-autopodienne est très évoluée. Elle occupe une position intratarsienne, de telle sorte que les éléments tarsiens proximaux se fusionnent complètement avec le tibia en un tibio-tarse (le péroné est régressé). Les tarsiens distaux et les métatarsiens se soudent entre eux et forment un os allongé, le tarso-métatarse, qui porte directement les phalanges (cf. OISEAUX, Squelette ). Comme ce tarso-métatarse est redressé, la démarche est digitigrade (sauf chez les manchots, plantigrades). Le bassin avien se caractérise par l’absence des symphyses pubienne et ischiatique et par la présence d’un long synsacrum très rigide soudé aux ilions très allongés. L’ensemble du bassin constitue ainsi une solide structure, capable de supporter les chocs de l’atterrissage.

Chez les Marsupiaux, la bipédie est réalisée par les kangourous et les «rats marsupiaux» (Bettongia ). Chez les premiers, la progression ne s’effectue pas par enjambées mais plutôt par sauts où les membres travaillent groupés. Le métatarse du quatrième doigt est très allongé. Parmi les Placentaires, on peut citer les gerboises (Dipodidés) qui montrent elles aussi une très grande élongation des métatarsiens. Avec les Hominidés, les Primates ont réalisé un type de bipède entièrement original. En effet, en plus de la bipédie proprement dite, apparaît la verticalité , cas unique chez les Tétrapodes. Cette spécialisation entraîne des modifications à distance dans tout le squelette (notamment crânien). On rappellera seulement une modification du bassin: l’évasement des ilions qui supportent ainsi des viscères. La queue perd sa fonction d’équilibration, très nette chez les autres bipèdes, et involue. Au niveau du membre inférieur, l’autopode réalise au repos une plantigradie parfaite puisque le basipode lui-même repose sur le sol. L’autopode demeure peu allongé tandis que les autres segments conservent une structure très peu spécialisée.

En conclusion, la bipédie a un retentissement très variable sur le squelette. Elle implique surtout une régression, au moins relative, du membre antérieur, régression qui peut être très modérée (homme) ou poussée fort loin (Dinosaures carnivores). Il y a aussi, très fréquemment, un allongement relatif de l’autopode du membre postérieur. Celui-ci tend à constituer un segment allongé supplémentaire qui augmente le bras de levier du membre porteur dans sa région distale. Dès lors, la bipédie détermine des modifications adaptatives essentiellement comparables à celles provoquées par les adaptations à la course et au saut. L’exemple de l’homme montre cependant que la bipédie peut être réalisée selon des tendances adaptatives complètement différentes.

Parmi les grands types adaptatifs réalisés par modification discrète du membre marcheur typique, signalons encore les types sauteurs, fouisseurs et arboricoles qui ont chacun des caractéristiques particulières.

Adaptation au vol

Les trois groupes de Tétrapodes qui ont été capables de réaliser un vol véritable ont utilisé une «solution structurale» différente au problème de l’adaptation au milieu aérien, par modification du membre antérieur (fig. 7).

Chez les Ptérosaures (Reptiles volants du Jurassique et du Crétacé), la surface portante était constituée d’une membrane (patagium) tendue uniquement par les phalanges du quatrième doigt, placées au bord d’attaque de l’aile. Le cinquième doigt manquait mais un os supplémentaire allongé, le ptéroïde, placé au niveau du poignet, soutenait peut-être une membrane alaire accessoire située entre l’épaule et le poignet. Le stylopode et le zeugopode contenaient des os assez grêles. La ceinture scapulaire était modérément développée; les coracoïdes allongés s’associaient ventralement à un grand sternum aplati, mais il est peu probable que les muscles moteurs de l’aile aient été très puissants. Avec son grand allongement, l’aile des Ptérosaures paraît plutôt adaptée au vol plané, sauf chez les petites formes. Dans les espèces évoluées et de grande taille adaptées au plané (Pteranodon crétacé), les scapula étaient unies dorsalement à la colonne vertébrale par un os axial spécial (notarium); il y avait donc une sorte de «sacrum scapulaire» qui augmentait la solidité de la ceinture pectorale. Les os étaient «pneumatisés». Ceintures et membres postérieurs étaient grêles et assez petits, de structure peu modifiée. La symphyse pubienne persistait et la fibula était soudée au tibia.

Chez les Chiroptères (chauves-souris), la surface sustentatrice est constituée par un patagium, comme chez les Ptérosaures. La structure de l’aile diffère pourtant dans les deux groupes, car chez les chauves-souris il n’existe qu’un seul doigt libre, le premier, tandis que les quatre autres, très allongés, tendent le patagium. Tous les segments du membre sont très allongés, mais surtout les segments distaux. L’ulna est réduit. La ceinture scapulaire est d’un type mammalien banal avec des clavicules puissantes, mais le sternum possède une carène axiale dont le rôle est comparable à celui du bréchet des Oiseaux. Le membre postérieur a une structure peu modifiée, mais la fibula est en régression; les os sont grêles. En revanche, le bassin est très spécialisé avec une cavité acétabulaire très dorsale et on note la disparition des symphyses pubienne et ischiatique. Ces dispositions sont associées au mode de suspension si spécial des chauves-souris.

Le type structural des Chiroptères est connu dès l’Éocène, où il apparaît complètement constitué, et l’on ignore les stades évolutifs, intermédiaires conduisant des membres généralisés d’un Insectivore à ce type hautement spécialisé.

Les Oiseaux présentent paradoxalement une différenciation du membre antérieur moins poussée, du moins à l’origine, que celle des Ptérosaures et des Chiroptères: la surface portante est constituée chez eux par les plumes, lames de kératine souples, légères et de structure complexe, et non par un patagium renforcé d’éléments squelettiques allongés. Chez Archaeopteryx , «Reptile emplumé» du Jurassique supérieur, les plumes sont déjà typiquement réalisées. Le membre antérieur n’a plus que trois doigts mais ceux-ci restent indépendants.

Chez les Oiseaux modernes, au contraire, le squelette de la main se modifie beaucoup par fusion ou disparition d’os. Il y a deux carpiens libres, l’un provient de la fusion du radial, de l’intermédiaire et d’un central, l’autre de la soudure du cubital avec le pisiforme. Les carpiens distaux sont soudés aux métacarpiens des doigts deux et trois. Les phalanges sont fusionnées ou réduites. Le zeugopode comprend un radius antérieur grêle; l’ulna est nettement plus puissant. L’humérus (segment stylopodien) a une base large et une morphologie quelque peu reptilienne.

La ceinture scapulaire est très modifiée, en liaison avec le vol battu. Un puissant coracoïde transmet au sternum les efforts de l’aile (zonothorax), la scapula est allongée, dorsale. Les deux clavicules se soudent en une «fourchette» antéro-ventrale. Le bréchet, carène axiale du sternum, se différencie chez les Oiseaux bons voiliers et offre une grande surface d’insertion aux muscles moteurs de l’aile. Chez l’Archaeopteryx , le bréchet n’était pas encore différencié et les coracoïdes et le sternum demeuraient faibles: les capacités de vol battu étaient certainement très limitées. Le bréchet disparaît secondairement chez les Ratites (autruches, casoar), incapables de voler. La plupart des os du squelette sont pneumatisés chez les Oiseaux, ce qui constitue encore une adaptation au vol.

Adaptation à la nage

Le retour secondaire à un mode de vie aquatique caractérise de nombreuses lignées de Tétrapodes. Chez certains, cette adaptation se réalise par perte des membres et acquisition d’un aspect serpentiforme. Dans d’autres lignées, le membre subit une transformation profonde qui lui confère un aspect superficiellement comparable à celui d’une nageoire de poisson. Le corps devient plus ou moins fusiforme et les membres pairs remplissent, comme des nageoires, une fonction de stabilisation et, plus rarement, de propulsion. Les modifications du membre sont caractéristiques: il y a un très grand raccourcissement des segments proximaux (stylopode et zeugopode) qui se disposent à la suite l’un de l’autre dans un même plan et perdent leur mobilité relative; seule l’articulation proximale du stylopode sur la ceinture demeure mobile. L’autopode s’allonge proportionnellement beaucoup. Tous ses éléments se dédifférencient les uns par rapport aux autres jusqu’à acquérir le même aspect et ils se répartissent dans un seul plan. Les divers os sont réunis par d’épais cartilages, et le membre constitue une palette souple car les divers rayons sont réunis par une épaisse membrane interdigitale. Le nombre des doigts peut décroître ou plus rarement augmenter (hyperdactylie des Ichthyosaures). Plus fréquemment, il y a augmentation du nombre des phalanges dans chaque rayon (hyperphalangie ) ou seulement augmentation de la longueur des phalanges (fig. 8).

Ces modifications (ou seulement certaines d’entre elles) du membre chiridien se sont réalisées parallèlement dans de nombreuses lignées de Tétrapodes dont on étudiera quelques exemples.

Les tortues marines (Chéloniens) montrent une modification non négligeable du chiridium : il y a raccourcissement des segments proximaux et allongement des phalanges qui sont réunies sur le vivant par une membrane; la structure générale du chiridium n’est pratiquement pas modifiée, mais ces quelques transformations réalisent déjà une palette natatoire efficace. Parmi les Mammifères, un degré comparable mais pourtant plus poussé de modification se retrouve chez les Pinnipèdes (phoques) et les Siréniens (lamantins); chez ces derniers, au membre antérieur seulement puisque le membre postérieur est régressé. Le stylopode est très raccourci, l’autopode relativement très allongé. Les Cétacés présentent un degré supplémentaire de modification du chiridium: les segments proximaux ont des os très courts et aplatis, massifs; il y a hyperphalangie et développement des cartilages entre chaque segment osseux; toutes les articulations s’ankylosent, sauf l’articulation proximale du stylopode sur la ceinture. Les Crocodiliens marins du Secondaire («Thalattosuchiens», Géosaures) avaient aussi des membres pairs transformés en palettes un peu comparables à celles des Cétacés, au moins au membre postérieur plus développé que l’antérieur. Les Ichthyosaures ont peut-être porté à leur plus haut degré les modifications du chiridium en palette natatoire. Tous les éléments osseux de l’autopode sont identiques et ont une forme de disque. À l’hyperphalangie peut se superposer une hyperdactylie (ou parfois l’inverse: hyperdactylie ). Le membre antérieur reste plus puissant que le membre postérieur (fig. 8).

Chez toutes ces formes, sauf chez les tortues marines, les membres transformés en palettes ne sont pas responsables de la propulsion mais plutôt de l’équilibration. Aussi sont-ils associés à des ceintures peu développées et à une musculature zonaire assez peu puissante. Chez les tortues marines, au contraire, les palettes natatoires ont une fonction de propulsion importante. En ce sens, elles ressemblent à une autre lignée de Reptiles du Secondaire, les Sauroptérygiens. Chez ceux-ci (Nothosaures, Placodontes et Plésiosaures), on peut assister, du Trias au Crétacé, à une adaptation progressive à la vie marine. Les membres sont en palette, il y a hyperphalangie mais jamais hyperdactylie. les ceintures pectorale et pelvienne, contrairement à celles des Ichthyosaures, sont très développées, formées de larges plaques osseuses ventrales qui devaient assurer l’insertion de muscles propulseurs puissants.

Parmi les Oiseaux, rappelons enfin que les manchots nagent au moyen de leurs ailes, qui sont impropres au vol aérien, par un véritable «vol battu sous-marin». La structure de l’aile demeure typiquement avienne mais tous les os sont très aplatis dans un seul plan. Les plumes sont minuscules, écailleuses, et l’aile présente l’aspect d’une nageoire.

L’adaptation à la vie aquatique se manifeste jusque dans l’histologie du squelette: les os «longs» des membres deviennent spongieux, sans cavité médullaire libre et sans cortex bien différencié à la périphérie; ces dispositions spéciales de la structure osseuse peuvent s’observer aussi bien chez les Cétacés que chez les Ichthyosaures.

Régression des membres, apodie

Une tendance à la régression des membres pairs et des ceintures se manifeste dans de nombreuses lignées de Tétrapodes: elle aboutit parfois à la disparition complète de ces structures. Parmi les Amphibiens, une apodie complète était réalisée dès le Carbonifère avec le groupe des Aistopodes serpentiformes (Phlegetontia ). Les Amphibiens apodes actuels (Ichthyophis , Hypogeophis ) constituent un ordre indépendant dont l’origine est inconnue. Ce sont des formes aquatiques, animaux fouisseurs ou vivant dans les marécages. Parmi les Urodèles, une régression plus ou moins poussée des membres se manifeste dans diverses familles, parfois en association avec des phénomènes de néoténie. L’amphiume est un extraordinaire «basset» long de quatre-vingt-dix centimètres, dont les pattes n’ont qu’un centimètre de long; les protées ont des membres courts et grêles à trois doigts et deux orteils; les sirènes ont entièrement perdu leurs membres postérieurs.

Parmi les Reptiles, le groupe apode par excellence est évidemment celui des Ophidiens ou Serpents [cf. REPTILES ACTUELS]. Les représentants les plus primitifs de l’ordre possèdent encore des rudiments de ceinture pelvienne. Dans le groupe énigmatique des Amphisbéniens, Squamates de mœurs fouisseuses, existent des espèces qui possèdent seulement des membres antérieurs (Chirotes ) ou sont apodes (Amphisbaena ). Parmi les Sauriens (Lézards), de nombreuses familles présentent diverses étapes de transition entre des membres bien développés et une apodie presque complète (Scincidés, Dibamidés, Pygopodidés) ou complète comme chez l’orvet (Anguidés).

Dans tous les cas évoqués ci-dessus, on peut distinguer deux modalités (qui sont aussi des étapes) dans cette évolution régressive des membres pairs. Dans un premier stade, le membre conserve ses parties, mais sa taille se réduit relativement à celle du corps. Dans un second stade, le membre réduit se simplifie par régression ou disparition de certains de ses constituants. Dans ce cas, les éléments distaux disparaissent les premiers. L’involution peut intéresser les deux paires de membres ou seulement une seule.

Chez les Amphibiens et les Reptiles, la régression des membres va toujours de pair avec l’acquisition d’une forme allongée par multiplication des segments troncaux et parfois des segments caudaux.

La régression ou la perte des membres peuvent aussi se réaliser selon des modalités entièrement différentes chez les Oiseaux et les Mammifères. Chez les premiers, la régression des ailes peut être associée à l’acquisition d’une nouvelle fonction (manchots) ou à la perte de toute fonction (Hesperornis du Crétacé, grand pingouin aptère, Ratites [Apteryx ou kiwi], nombreuses espèces insulaires). La régression des pattes postérieures est plus rare et toujours très limitée: elle se manifeste seulement par une réduction des dimensions relatives, par exemple chez les Apodidés (martinets). Chez les Mammifères, la régression des membres, toujours limitée aux membres postérieurs, est associée à la vie aquatique (Cétacés, Siréniens).

Au total, la régression des membres chez les Tétrapodes recouvre des phénomènes nombreux et variés, associés à une modification ou à une perte de fonction. Elle peut être associée, pour un groupe restreint, à la pénétration dans une zone adaptative particulière: fouissement par percussion des Amphisbéniens, reptation ondulante en milieu meuble de divers Lézards. Mais, une fois bien réalisé, le type structural a permis des adaptations très variées: ainsi les Serpents qui se sont adaptés avec un égal succès à la vie aquatique, épigée, hypogée et arboricole.

Origine du chiridium

Les théories diphylétiques

Il existe entre les nageoires monobasales des Dipneustes et des Crossoptérygiens et le membre chiridien des affinités manifestes. Comme ces deux classes de Poissons sont en outre celles qui présentent le plus de ressemblances avec les Tétrapodes inférieurs, il n’est pas étonnant que l’on ait très vite considéré l’une ou l’autre comme la souche des Tétrapodes.

Pour Gegenbauer (1865, 1876), le chiridium (ou cheiropterygium ) provient de l’archipterygium des Dipneustes et le membre des Urodèles est une illustration du membre chiridien dans son état le plus primitif. Les idées de Gegenbauer dans ce domaine sont parfois moins discutables que sa théorie de l’origine des nageoires. Des notions solides dérivent de ses travaux: il a reconnu l’importance de l’axe huméro-ulnaire et interprété l’axe radiaire comme un rayon plus latéral et de moindre importance.

D’autres auteurs ont cherché parmi les Crossoptérygiens l’origine du membre des Tétrapodes. Les ressemblances entre le crossopterygium à endosquelette dichotomique et le chiridium sont en effet manifestes, ce qui a permis de reconnaître les homologies du stylopode et du zeugopode dans les deux appendices. Plus distalement, on distingue un axe latéral radial-prépollex bien séparé du reste de l’appendice.

L’axe principal du membre passe par le stylopode et l’ulna (fibula) sur lequel convergent de nombreux rayons distaux. Pour H. Steiner (1935, 1942) et N. Holmgren (1949), tous les éléments du membre des Tétrapodes sont contenus dans le crossopterygium. Pour W. K. Gregory, H. C. Raven (1941) et T. S. Westoll (1943, 1945) au contraire, seuls les éléments stylo- et zeugopodiens seraient homologues dans les deux formations (archaeopodium ). L’autopode constituerait une structure fondamentalement différente chez les Crossoptérygiens et les Tétrapodes; il se différencierait dans des directions adaptatives différentes chez les uns et chez les autres (neopodium ).

Reprenant des idées déjà exprimées en France par Wintrebert, le Suédois N. Holmgren a proposé une origine diphylétique pour les Tétrapodes. Le membre des Urodèles dériverait de l’archipterygium des Dipneustes mais celui de tous les autres Tétrapodes proviendrait du membre des Crossoptérygiens (1933, 1939, 1949). Holmgren se fonde surtout sur des études embryologiques de l’organisation du basipode mais ses arguments sont très discutables (C. Devillers, 1954): il ne tient pas compte des ressemblances manifestes entre le membre des Urodèles et celui des Stégocéphales. Aussi les conceptions faisant dériver le membre marcheur de l’archipterygium des Dipneustes sont-elles abandonnées.

Se fondant sur des études paléo-anatomiques d’une grande précision (organisation du museau chez les Crossoptérygiens), Jarvik a été conduit à proposer pour les Tétrapodes une origine diphylétique atténuée (1942). Il s’ensuivrait que le membre serait apparu deux fois indépendamment: une fois dans la lignée allant des Ostéolépiformes aux Anoures ainsi qu’à tous les autres Tétrapodes (sauf les Urodèles), et une autre fois dans la lignée allant des Porolépiformes aux Urodèles (cf. AMPHIBIENS, fig. 12). Dans les deux lignées, le chiridium dérive d’un crossopterygium.

La théorie de Jarvik demeure très discutée et il est assez curieux de constater que sa conception, qui a une si grande incidence sur les idées relatives à l’origine du membre chiridien, se fonde plus sur l’étude du crâne que sur celle des membres. D’ailleurs, la structure de l’endosquelette de la nageoire est encore inconnue chez Porolepis , type des Porolépiformes. Les conceptions de Jarvik ont été attaquées avec vigueur notamment par Thomson (in T. Ørvig, 1968), qui a tenté de réfuter ses arguments point par point. On peut surtout retenir de la discussion que le problème n’est pas tant d’argumenter sur la validité des détails anatomiques mis en évidence par Jarvik que de savoir si ces détails ont bien la signification phylogénique qu’il leur prête. Pour A. S. Romer (1968), suivi en cela par de nombreux auteurs américains, l’origine polyphylétique des Tétrapodes reste à démontrer.

Un autre aspect de l’apport de Jarvik est d’avoir précisé les modalités anatomiques de la transition entre le crossopterygium et le chiridium (cf. CROSSOPTÉRYGIENS, fig. 2). Il étudie pour cela les membres pairs chez le Crossoptérygien Eusthenopteron et les a comparés à ceux du plus ancien Tétrapode connu, le Stégocéphale Ichthyostega (Dévonien supérieur). L’étude de Jarvik confirme la conception d’Holmgren dans la mesure où elle conclut à l’identité de plan des deux membres dans toutes leurs parties, y compris l’autopode. Cette étude permet aussi de résoudre le problème du nombre originel de rayons du chiridium. Celui-ci aurait pu, selon divers arguments embryologiques et anatomiques (Anoures), posséder initialement sept et non cinq rayons (cf. CROSSOPTÉRYGIENS, fig. 2). Deux rayons supplémentaires existent en effet: un du côté interne (radial), avec deux osselets qui constituent le prépollex (préhallux au membre postérieur); un autre osselet, du côté externe, ébauche un rayon dit post minimus. On notera que cette structure est dérivée de celle du membre des Ostéolépiformes.

Il existe pourtant, d’un point de vue fonctionnel, de grandes différences entre le membre des Crossoptérygiens et celui des Tétrapodes. Dans le premier, seule l’articulation du stylopode sur la ceinture était très mobile. Dans la patte des seconds, au contraire, des articulations mobiles se différencient entre chacun des segments; les efforts mécaniques à supporter par le membre terrestre sont aussi beaucoup plus grands et le fonctionnement plus complexe.

En conclusion, la dérivation du membre chiridien à partir du crossopterygium apparaît nettement établie. Les différences essentielles entre ces deux types de membres, liées aux conditions de fonctionnement, résident dans la différenciation des pliures et des articulations plutôt que dans le plan général du membre lui-même.

Dans une certaine mesure, on peut même admettre avec Jarvik que le crossopterygium est pour ainsi dire déjà un membre de Tétrapode. Le problème d’origine est en somme déplacé et il consiste à comprendre comment s’est formé le crossopterygium lui-même.

2. Les membres humains

Organisation générale

Le squelette des membres humains comprend surtout des os longs, unis par des articulations mobiles, et enveloppés par une couche épaisse de muscles striés volontaires. Une toile fibreuse, l’aponévrose superficielle, entoure les muscles et les sépare des plans tégumentaires. Ceux-ci comprennent la peau et une nappe de tissu cellulaire lâche qui la mobilise sur l’aponévrose. Les pédicules vasculo-nerveux principaux sont profonds, sous-aponévrotiques, avec les grands axes artériels et veineux, et tous les nerfs moteurs. Le tissu cellulaire sous-cutané contient les pédicules superficiels, formés de veines, d’artérioles, de vaisseaux lymphatiques et de nerfs sensitifs.

Un membre s’attache au tronc, au niveau des ceintures, par une partie adhérente ou racine, véritable hile traversé par les vaisseaux et les nerfs venus du tronc. La forme générale du membre est tronconique, avec diminution assez régulière de l’épaisseur à mesure que l’on s’éloigne de la racine. Cependant, l’extrémité libre s’élargit en palette. Chaque membre se décompose en trois segments: proximal, moyen et distal, ou extrémité libre. Étudiés à partir de la racine, ces segments sont le bras, l’avant-bras et la main pour le membre supérieur; la cuisse, la jambe et le pied pour le membre inférieur. Une chaîne d’articulations amplifie le jeu de l’extrémité libre.

Dans le cas du membre inférieur , le fémur, os de la cuisse, est uni au bassin par une énarthrose, la hanche. Son rôle est d’orienter le pied dans la plupart des rayons de l’espace. Articulation du milieu du membre, le genou mobilise le tibia sur le fémur: elle fonctionne comme une trochléenne ; autrement dit, elle fléchit la jambe sur la cuisse, raccourcissant le membre. Une autre trochléenne, la tibiotarsienne, articule le squelette du pied avec les os de la jambe, tibia et péroné ; elle autorise un seul mouvement, la flexion-extension. De nombreuses articulations peu mobiles unissent les os du pied: tarse, métatarse et phalanges. Ainsi, la solidité prime la mobilité au membre inférieur; il prend un appui très stable sur l’os iliaque, pièce maîtresse d’un anneau massif, pratiquement immobile, la ceinture pelvienne. Cette dernière représente la paroi même du tronc. Toutes les articulations assurent la stabilité du membre en station debout, grâce à un puissant appareil ligamentaire qui verrouille la hanche, le genou, le cou-de-pied.

Le membre supérieur ou thoracique a pour fonction essentielle le sens tactile et la préhension ; toutes ses structures sont subordonnées au jeu de la main, à celui des doigts en particulier.

La ceinture scapulaire, omoplate en arrière et clavicule en avant, est indépendante du squelette propre du tronc. La clavicule s’appuie sur le sternum par son extrémité interne, et suspend l’omoplate par son extrémité externe. L’articulation de l’épaule, ou scapulo-humérale, unit l’humérus, os du bras, à l’omoplate qui ne prend aucune attache sur le thorax; d’où un tel dispositif. Cette articulation est une énarthrose mal emboîtée, munie d’une mince capsule, ce qui assure une grande amplitude des mouvements les plus variés.

Le second aspect de la dynamique du membre supérieur est l’existence d’une rotation axiale au niveau des deux os de l’avant-bras; ce mouvement de pronation-supination fait tourner le radius autour du cubitus; il est indispensable pour la fonction de préhension de la main.

Les os du poignet, ou carpiens, sont de petits éléments, disposés en deux rangées parallèles; ils unissent la main à l’avant-bras par deux articulations superposées, la radio-carpienne et la médio-carpienne. Il s’agit de condyliennes, adaptées à la flexion-extension et aux mouvements de latéralité, beaucoup plus mobiles que leurs homologues du membre inférieur, la tibio- et la médio-tarsienne. Le jeu articulaire s’amplifie encore à l’extrémité distale: le métacarpien du pouce, articulé avec le trapèze, exécute un mouvement très particulier, l’opposition, qui permet au pouce de prendre contact avec la pulpe des autres doigts, formant la pince pauci-digitale. Par ailleurs, les phalanges des doigts, beaucoup plus longues que celles des orteils, assurent une flexion considérable, 3000, et des mouvements de latéralité.

Disposition et rôle des muscles

Les membres possèdent des leviers osseux très longs, actionnés par des muscles. Il existe deux groupes musculaires fondamentaux: les fléchisseurs et les extenseurs (fig. 9).

Pour le membre supérieur , tous les fléchisseurs se situent en avant de l’axe du membre, et les extenseurs en arrière. Ainsi, le bras possède deux fléchisseurs superposés, le brachial antérieur et le biceps, et un extenseur, le triceps brachial. Au niveau de l’avant-bras, on distingue deux fléchisseurs profonds, l’un pour le pouce, l’autre pour les quatre derniers doigts, et un fléchisseur commun superficiel. Il existe un extenseur commun des quatre derniers doigts, enrichi de muscles extenseurs propres du pouce, de l’index et du petit doigt. De petits muscles de la paume de la main, les interosseux et les lombricaux, possèdent la particularité de fléchir la première phalange des doigts et d’étendre les deux autres. Ils interviennent dans le grimper, au même titre qu’un muscle de l’avant-bras, le long supinateur. La répartition des fléchisseurs et des extenseurs est assez régulière, tout le long du membre. D’autres systèmes musculaires, plus localisés, jouent cependant un rôle important. Citons d’abord les muscles de l’épaule, avec les abducteurs du bras, le sus-épineux, le deltoïde, et les rotateurs, en particulier le grand pectoral, le grand dorsal et le grand rond. Ils s’associent dans certains mouvements comme le grimper, les lancers, qui mettent en jeu le deltoïde et le grand pectoral.

À l’avant-bras se superposent les muscles de la rotation axiale: muscles de la pronation avec le carré et le rond pronateurs; muscles de la supination avec le court et le long supinateurs, auxquels il faut associer le biceps brachial.

Au niveau de la main, chaque doigt extrême possède un groupe musculaire particulier, qui marque son relief à la paume; les muscles de l’éminence thénar: adducteur, court fléchisseur, opposant et court abducteur sont affectés au pouce et permettent l’adduction et l’opposition de ce doigt. Symétriquement disposé, le relief de l’éminence hypothénar, qui est moins développé, comprend l’opposant, le court fléchisseur et l’adducteur du petit doigt.

Les muscles du membre inférieur se groupent en des ensembles fonctionnels plus localisés. À la racine, la masse des muscles fessiers intervient dans la stabilité latérale du bassin, lors de l’appui unipodal. Les principaux fléchisseurs de la cuisse sont les muscles adducteurs et le psoas-iliaque.

La flexion de la jambe sur la cuisse met en jeu trois muscles postérieurs, les ischiojambiers: biceps crural, demi-membraneux, demi-tendineux. Un seul appareil, le quadriceps fémoral, assure l’extension de la jambe. La flexion du pied sur la jambe est assurée par les muscles jambier antérieur, extenseur propre du gros orteil, extenseur commun des orteils. L’extenseur du pied est, par excellence, le triceps sural. Il joue un rôle considérable lors de la marche: en soulevant brusquement le pied, il amorce le pas, c’est le muscle de l’impulsion. D’autres éléments extenseurs stabilisent la cheville: le jambier postérieur, les muscles fléchisseurs des orteils, et les muscles péroniers latéraux; ces derniers déterminent une rotation en dehors de l’avant-pied, mouvement de valgus.

La plupart des muscles propres du pied sont atrophiques. Il existe toutefois un important système superficiel, avec l’adducteur du gros orteil, l’abducteur du cinquième orteil, et le court fléchisseur plantaire.

Les pédicules vasculo-nerveux

Les pédicules vasculo-nerveux diffèrent sensiblement d’un membre à l’autre. Les lésions vasculaires du membre supérieur sont relativement rares. Par contre, le moindre déficit nerveux, moteur ou sensitif, peut entraîner des troubles sévères.

Pour le membre inférieur, les lésions vasculaires s’observent avec une grande

fréquence, qu’il s’agisse d’artérites, de varices, de phlébites, d’œdèmes par stase lymphatique. Ces faits justifient une étude séparée des pédicules.

Les vaisseaux du membre supérieur

Une seule artère, l’axillaire , contrôle la vascularisation. Elle prolonge l’artère sous-clavière, abandonne des collatérales à la racine du membre. Parvenue à la base du creux de l’aisselle, elle devient l’artère humérale. Celle-ci représente la voie principale, située en regard de la face interne du bras. Elle fournit précocement une très volumineuse collatérale, l’artère humérale profonde, destinée au triceps. L’humérale se divise au pli du coude, en regard du tendon du muscle biceps brachial, en deux branches, la cubitale et la radiale. Elles descendent sur le versant antérieur de l’avant-bras. L’artère radiale se palpe au poignet au niveau de la gouttière du pouls, immédiatement en dehors du grand palmaire; cette gouttière se situe en avant, sur le versant externe du poignet. L’artère cubitale, plus volumineuse, est difficile à palper, en dehors du tendon interne du poignet, le cubital antérieur. Les deux artères échangent deux anastomoses transversales, appelées arcades palmaires. L’arcade palmaire profonde représente le tronc de l’artère radiale, uni à une grosse branche de l’artère cubitale, la cubito-palmaire. Elle se situe en regard de la base des métacarpiens, et fournit quatre artères interosseuses palmaires. Celle du premier espace donne deux artères collatérales au pouce.

L’arcade palmaire superficielle, de plus gros calibre, unit le tronc de l’artère cubitale et une grosse branche de l’artère radiale, la radio-palmaire. Elle se situe immédiatement en arrière de l’aponévrose palmaire moyenne, et en avant des tendons fléchisseurs. Elle se partage en cinq artères digitales; chacune se divise en deux artères collatérales des doigts, interne et externe; la première donne une seule collatérale au petit doigt; la cinquième s’anastomose avec la première interosseuse palmaire.

Les veines se partagent en deux réseaux, profond et superficiel.

Le réseau profond est calqué sur le dispositif artériel, à ceci près qu’il existe deux veines pour une artère: deux veines radiales, deux veines cubitales, deux veines humérales; elles échangent des anastomoses transversales. La veine axillaire est unique, se situe en dedans de l’artère et se continue au sommet de l’aisselle en veine sous-clavière. Toutes ces veines sont valvulées.

Le réseau superficiel se dessine sous la peau; il est très utilisé pour les ponctions veineuses. Les grosses veines de la main sont en situation dorsale et forment deux arcades: arcade digitale à la racine des doigts; arcade dorsale en regard du poignet. Les veines métacarpiennes unissent les deux arcades. Des extrémités de l’arcade dorsale partent les veines superficielles de l’avant-bras: la veine radiale superficielle occupe une situation médiane antérieure; elle se divise au pli du coude en deux branches, la veine médiane basilique en dedans, la médiane céphalique en dehors. La veine cubitale superficielle s’unit à la médiane basilique pour former la veine basilique, affluent de la veine axillaire. Symétriquement, une veine radiale accessoire rejoint la médiane céphalique. Elle complète le «M» veineux du pli du coude, et est drainée par la veine céphalique dans la veine axillaire.

Les vaisseaux lymphatiques sont en général satellites des veines. Quelques nodules ganglionnaires s’interposent sur leur trajet. Toute la lymphe se collecte dans les cinq groupes des ganglions axillaires. Ces ganglions peuvent être envahis dans différentes affections, en particulier le cancer du sein. Des collecteurs terminaux se déversent dans le confluent veineux jugulo-sous-clavier de la base du cou.

Les vaisseaux du membre inférieur

Les vaisseaux du membre inférieur comprennent tout d’abord un axe artériel principal. Son altération, par athérome, par thrombose ou par embolie, explique les signes d’ischémie si fréquemment rencontrés chez les artéritiques ou les cardiaques.

L’origine de cet axe est la bifurcation aortique. Chaque artère iliaque primitive, droite ou gauche, abandonne une artère hypogastrique pour le petit bassin, et se continue en artère iliaque externe. Celle-ci s’engage sous l’arcade fémorale, prenant le nom d’artère fémorale commune. Elle se palpe facilement à la racine de la cuisse. Elle se divise tôt en deux branches. L’une d’elles s’engage dans la masse des adducteurs: c’est l’artère fémorale profonde, qui vascularise l’essentiel de la cuisse. L’autre continue la voie principale, sous le nom d’artère fémorale superficielle. On la palpe un peu au-dessus du condyle interne du fémur, en une dépression qui correspond au canal de Hunter. En croisant le bord interne de la diaphyse fémorale, l’artère fémorale superficielle devient l’artère poplitée. Elle occupe l’axe du creux poplité, en arrière du genou, et se divise à l’anneau du muscle soléaire en deux branches: la branche antérieure, ou artère tibiale antérieure, pénètre dans la loge antérieure de la jambe; elle la quitte au cou-de-pied pour devenir l’artère pédieuse, palpable au dos du pied. La branche postérieure ou tronc tibio-péronier continue l’axe principal et se divise en deux branches: l’une, externe, est l’artère péronière; l’autre, l’artère tibiale postérieure, représente la voie principale au niveau de la loge postérieure de la jambe. Elle gagne le pied, en croisant la malléole interne en arrière; c’est dans cette gouttière qu’on peut la palper aisément. Elle se divise enfin en deux artères plantaires, interne et externe, destinées à la plante du pied, et anastomosées entre elles.

L’axe accessoire est formé par des branches de l’artère hypogastrique qui atteignent la racine de la cuisse. Il est représenté en avant par l’artère obturatrice, qui quitte le bassin par le trou ischio-pubien. En arrière, l’artère fessière, l’artère honteuse interne et, surtout, l’artère ischiatique vascularisent la région fessière. La dernière s’épuise dans la loge postérieure de la cuisse.

Les anastomoses d’un segment artériel à l’autre sont essentielles lorsque l’axe principal est obturé chez un artéritique. Sans entrer dans les détails, on peut signaler les nombreuses voies de suppléance entre l’artère hypogastrique et la fémorale profonde. Celle-ci peut également réalimenter l’artère fémorale superficielle à partir du canal de Hunter par des anastomoses intramusculaires très riches. Elle est encore unie à l’artère poplitée par l’artère grande anastomotique. Bref, l’artère fémorale profonde contrôle toutes les suppléances au niveau de la cuisse.

L’efficacité des voies anastomotiques est médiocre au niveau des artères jambières. Cela explique la prédominance des troubles à la périphérie du membre chez l’artéritique: crampe du mollet à la marche, dite «claudication intermittente»; pied froid, cyanique; gangrène des orteils.

Les veines profondes jouent un rôle fondamental dans les phlébites du membre inférieur. Elles partent d’un riche réseau, la «semelle veineuse» de Lejars. Les veines jambières sont dédoublées et accompagnent l’artère correspondante. Il existe en particulier deux volumineuses veines péronières, deux veines tibiales postérieures. C’est à ce niveau que se situe, en général, la thrombose veineuse initiale, dans la phlébite surale des malades alités. Mais le caillot peut remonter plus haut, dessinant ainsi l’axe principal: veine tibio-péronière, veine poplitée, veine fémorale superficielle, veine fémorale commune; il peut même s’étendre aux veines iliaques externe et primitive, jusqu’à la veine cave inférieure.

On conçoit la nécessité de localiser le caillot par la phlébographie, de l’extraire quand il est récent, non adhérent (stade de phlébothrombose), afin d’éviter les embolies pulmonaires et les séquelles de phlébite: œdèmes, ulcères jambiers, etc.

La voie de suppléance, en cas d’obstacle du tronc principal, utilise la veine fémorale profonde; elle s’anastomose en particulier avec la veine hypogastrique.

Les veines superficielles , ou veines saphènes, sont le siège des varices si fréquentes au membre inférieur. La veine saphène externe est courte: née du réseau dorsal du pied, elle passe en arrière de la malléole externe et monte sur la face postérieure de la jambe, en situation axiale. Elle pénètre sous l’aponévrose, se recourbe en crosse au pli de flexion du genou pour rejoindre la veine poplitée. La veine saphène interne est longue, elle passe en avant de la malléole interne; on la repère aisément sur la face interne de la jambe, un peu en arrière du tibia. Elle dessine à ce niveau les gros pelotons des varices jambières. Elle gagne la face interne de la cuisse et se termine au niveau du triangle de Scarpa, par une crosse qui s’ouvre dans la veine fémorale. Il existe à ce niveau une valvule ostiale généralement étanche. Les varices résultent essentiellement d’une incontinence de cette valvule: le sang veineux régurgite dans la saphène en position debout; la veine se dilate, devient sinueuse.

Les veines superficielles communiquent avec les veines profondes par des veines perforantes ; elles réalimentent les saphènes à tous les niveaux. Ainsi, le traitement radical des varices consiste à extirper (par stripping ) les saphènes interne et externe sur la totalité de leur trajet.

Les lymphatiques du membre inférieur s’opacifient par la lymphographie. Celle-ci consiste à dénuder un lymphatique du dos du pied, rendu visible par injection sous-cutanée d’un colorant, le patent blue , résorbé par les vaisseaux lymphatiques. Le produit iodé dessine les troncs superficiels et profonds, satellites des vaisseaux sanguins. Toute la lymphe se collecte dans les ganglions inguinaux, au niveau du triangle de Scarpa. L’atteinte ganglionnaire diffuse, néoplasique, virale, etc., est responsable d’œdèmes souvent très volumineux du membre inférieur.

Les nerfs des membres

Les nerfs des membres proviennent de plexus, nés du renflement cervical ou du renflement lombaire de la moelle.

Le plexus brachial contrôle le membre supérieur. Il unit les branches antérieures des nerfs cervicaux, de C5 à C8, et s’enrichit de filets venus de C4 et du premier nerf thoracique. Il assure la motricité, la sensibilité de tout le membre, et véhicule des fibres sympathiques venues du ganglion stellaire. Le plexus fournit des branches collatérales aux muscles de la racine du membre, pectoraux, grand dorsal, grand dentelé, et une branche terminale, le nerf circonflexe, pour le muscle deltoïde. Quatre autres branches terminales commandent l’essentiel de l’innervation. Le nerf musculo-cutané assure la flexion de l’avant-bras sur le bras par les filets destinés aux muscles brachial antérieur et biceps (lequel est également supinateur). Le nerf médian innerve l’essentiel des longs fléchisseurs des doigts, et les muscles de la pronation de l’avant-bras. Il contrôle, en outre, toute l’opposition du pouce et la sensibilité la plus riche, celle de la pulpe du pouce, de l’index, du médius. C’est dire qu’une section du médian au poignet fait perdre l’opposition du pouce et entraîne l’anesthésie totale de la peau palmaire des trois premiers doigts. Le nerf cubital est d’abord le complément du médian, en innervant les faisceaux fléchisseurs profonds destinés aux deux derniers doigts, et le muscle cubital antérieur. Il commande en outre les muscles hypothénariens et tous les interosseux. Le nerf radial est le nerf de l’extension du membre supérieur: extension de l’avant-bras sur le bras, en innervant le triceps; extension du poignet et des doigts. C’est également un nerf supinateur. Il est particulièrement vulnérable au bras, où il croise au plus près la diaphyse humérale. Une fracture à ce niveau entraîne parfois une section du nerf radial, avec l’attitude de la main tombante, l’impossibilité de l’abduction du pouce, et l’insensibilité dorsale de ce doigt.

Deux plexus se partagent l’innervation du membre inférieur. Le plexus lombaire anastomose les branches antérieures des quatre premiers nerfs lombaires. Il commande le muscle psoas-iliaque. Une de ses branches, le nerf crural, innerve le muscle couturier, et surtout le quadriceps fémoral, assurant ainsi l’extension de la jambe sur la cuisse. Une autre, le nerf obturateur, commande les muscles adducteurs de la cuisse.

Le plexus sacré unit la branche antérieure du cinquième nerf lombaire, enrichie des fibres du quatrième nerf lombaire, et les branches antérieures des trois premiers nerfs sacrés. Il fournit des collatérales aux muscles de la fesse et se termine par un tronc volumineux, le nerf grand sciatique, large de deux centimètres. Ce nerf contrôle d’abord les muscles ischio-jambiers, c’est-à-dire la flexion du genou. Il se divise en deux branches terminales. L’une est le nerf sciatique poplité externe qui croise le col du péroné et innerve les muscles extenseurs des orteils et péroniers latéraux. La lésion du nerf se caractérise par le pied tombant, en rotation interne (pied varus équin). L’autre branche, le nerf sciatique poplité interne, prolongé en nerf tibial postérieur, commande le biceps sural, les fléchisseurs des orteils, autrement dit l’extension du pied, et les muscles plantaires.

Le territoire sensitif du nerf sciatique se reflète dans certaines compressions de ses racines, par hernie discale. La «sciatique» du type L4 voit la douleur irradier sur le dos du pied. La névralgie sciatique du type L5 projette sa douleur sur tout le versant postérieur du membre, depuis la fesse jusqu’à la plante du pied.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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